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Séminaire méthodologique

Le séminaire méthodologique est un des trois séminaires transversaux du Lab’URBA. Organisé annuellement, il a pour objectif de proposer un espace de réflexion collective et de partage d’expérience sur des aspects de méthodologie en lien avec nos travaux de recherche et constitue ainsi un temps fort de la vie collective du laboratoire. 

Sa première édition (17 mars 2023) fût consacrée à la thématique du bricolage méthodologique qui imprègne nos pratiques de recherche. La place des informations collectées à partir d'archives et la manière dont celles-ci sont collectées, agencées, utilisées ou encore les enjeux en lien avec le bricolage méthodologique tel qu'il peut se poser spécifiquement dans le cadre de thèses réalisées en CIFRE furent au cœur de ces premiers échanges.

La deuxième édition (15 mars 2024) sera, dans la continuité, consacrée à la place du document dans nos méthodologies de recherche.

1ère édition : Bricolage méthodologique - 17 mars 2023

Cette première édition est consacrée à la thématique du bricolage méthodologique qui imprègne de manière transversale nos pratiques de recherche. Dans son sens figuré, la notion de bricolage fait référence à un « travail intellectuel à la méthode improvisée, soumise aux circonstances » (Le Robert). Le bricolage représente la partie complexe et informelle (Meunier et al., 2013) du travail du chercheur.e qui doit « faire avec les moyens du bord » (Levi-Strauss, 1960), arrangeant des outils et matériaux hétéroclites, mais à sa portée, pour construire son dispositif méthodologique. Deux aspects nous interrogeront principalement : d’abord l’improvisation, induisant l’idée d’une adaptation nécessaire de la méthodologie ; ensuite les circonstances qui la font naître et la contraignent.

 

Résumés :

 

 "Les enjeux du bricolage d'archives au début d'une recherche doctorale : filtrer, conserver et comparer", Adrien Duval (UGE)

 

De prime abord, la notion de bricolage méthodologique semble réservée aux chercheurs et chercheuses plongé.e.s sur leur terrain, in situ, confronté.e.s à la nécessité de composer, décomposer et recomposer en permanence leur rapport àcelui-ci. Cependant, il s’agira ici de prendre le contrepied de cette approche en interrogeant les vertus, les modalités et les angles-morts d’une anticipation des choix à venir en amont d’une démarche de recherche. A partir du cadrageméthodologique mis en place en première année de doctorat autour d’une recherche archivistique sur les réaménagements du quartier de la gare Montparnasse dans la deuxième partie du XXème siècle, nous interrogerons la préparation des choix à venir en matière de filtrage, de conservation et de comparaison des matériaux collectés. S’agit-il d’éviter le bricolage méthodologique en tentant de construire un dispositif destiné à couvrir toutes les circonstances et répondre à toutes les questions ? S’agit-il au contraire d’en embrasser la philosophie en assumant une posture souple et humble face à son objet de recherche ? C’est en tout cas avec cette notion que nous discuterons la phase préparatoire d’une recherche ancrée dans le temps long et dans une définition plurielle de l’archive.

 
"Débuter sa CIFRE avec la crise sanitaire : comment se faire une place auprès des acteurs ?", Alexia Gignon (UGE)

 

Mon contrat CIFRE a débuté en janvier 2020, ma recherche porte sur la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 et l’impact de cet événement sur les interactions entre les acteurs touristiques. J’ai ainsi commencé à observer les relations, dans le cadre de ma CIFRE,
entre les acteurs de la Ville de Paris (entreprise d’accueil) et la Seine-Saint-Denis notamment. Le premier confinement est ensuite arrivé en mars, aussi toutes ces interactions que je souhaitais observer ont été mises à l’arrêt ou fortement ralenties dans un premier temps. Puis, elles ont ensuite changé de forme et sont devenues des interactions en visio et par mail uniquement, mettant à l’écart la plupart des discussions informelles entre acteurs. Même si, petit à petit, les événements / rencontres / réunions en présentiel sont réapparus. Il semble que les acteurs de ces collectivités publiques aient adopté de nouvelles méthodes de travail, ne se basant plus sur la rencontre « à tout prix ». Par ailleurs, en raison de la crise sanitaire, le sujet des JOP est passé au second plan, créant un décalage entre le calendrier souhaité par les acteurs et le calendrier effectif. Retard, que les acteurs ont cherché à rattraper ensuite (dès 2022), la préparation de cet événement étant, elle aussi, soumise à des temporalités fixes. Les observations (observations participantes lors de réunions) ainsi que les entretiens semi-directifs ont donc été affectés. La première vague d’entretien a ainsi été menée intégralement en visio-conférence. Et les réunions / rencontres avec des acteurs en visio, n’ont pas permis d’identifier physiquement les acteurs à rencontrer (pas toujours d’activation de caméras), ni d’échanger individuellement avec eux sur des points précis, les interventions devant s’adresser à l’ensemble des participants. D’autres méthodes (plus classiques) de contact et d’identification des acteurs ont alors dû être mises en place. La méthodologie de ma recherche a dû s’adapter au contexte et aux nouvelles pratiques apparues suite à cette période.

 
"L'accès au terrain en CIFRE : peut-on vraiment tout voir et tout dire ?", Amandine Mille-Raoulx (ESPI-Lab'URBA)

 

Dans le cadre de la 1ʳᵉ édition du séminaire méthodologique du Lab’Urba, je propose de revenir sur les conditions d’enquête dans lesquelles j’ai travaillé en tant que doctorante en CIFRE, en me concentrant notamment sur les oscillations opérées entre plusieurs postures méthodologiques.
Ma thèse s’est intéressée aux pratiques de « gestion du cadre de vie » des bailleurs sociaux (Mille, 2021). La gestion du cadre de vie est un enjeu ancien, récurrent et croissant pour les bailleurs sociaux. C’est aussi un sujet particulièrement sensible. Mon travail a consisté à étudier la manière dont les bailleurs sociaux prennent en charge et se représentent, de nos jours, le cadre de vie des quartiers d’habitat social et sa gestion, un angle alors sous-étudié dans la recherche. J’ai conduit ma thèse dans des conditions particulières puisque j’ai intégré l’organisation d’un bailleur social dans le cadre d’une Convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE). La CIFRE a constitué une opportunité pour réaliser une démarche d’immersion sur le temps long et construire un protocole d’enquête diversifié. J’ai ainsi mené des observations au cours de réunions, j’ai eu accès aux pratiques des agents, à leurs processus de décisions, à leurs doutes et à leurs croyances. J’ai pris au sérieux leurs discours à travers l’observation de situations de travail, des entretiens et des interactions moins formelles. Cette immersion a notamment permis de lever le voile sur des accords tacites, des non-dits et, même, des conflits entre les bailleurs et leurs partenaires en matière de gestion du cadre de vie, en premier lieu les collectivités locales. L’enquête de terrain au sein de l’organisation du bailleur a ainsi occupé une place déterminante dans ma thèse. C’est pourquoi j’y consacre un chapitre entier dans mon manuscrit de thèse. Dans ces pages, j’explique que ma recherche relève d’une épistémologie inductive, comprise comme un processus de découverte pas à pas, qui consiste à recueillir, comparer et typifier des données en multipliant les contextes, les observations et les observés (Cefaï, 2010). Cela signifie que l’objet de recherche et la méthodologie ont été construits, déconstruits, puis reconstruits, à partir du terrain investigué (Benelli, 2011). Cette démarche a entraîné une évolution du sujet de la thèse (comme dans toute recherche) et des revirements qu’il a fallu assumer et rendre compréhensibles et acceptables par la structure d’accueil.

Aussi, je propose de centrer ma présentation sur un constat fait au cours de mon expérience en CIFRE : l’accès au terrain (ou, plus exactement, le maintien sur le terrain) implique une négociation permanente (au début de l’intégration dans l’entreprise, mais aussi, et surtout, par la suite). Fréquenter quotidiennement des acteurs, s’impliquer et participer aux mêmes activités qu’eux revient à instaurer un « régime du proche » -marqué par une confiance et une certaine familiarité- avec les enquêtés (qui sont aussi, pour le ou la doctorant.e, des « collègues ») (Génard et Roca I Escoda, 2010). L’effort de la construction d’une posture a été permanent tout au long de la CIFRE ; cela a constitué un apprentissage au fil de l’eau et non un acquis. Des interrogations ont émergé de ce travail réflexif : quelle(s) identité(s) revêtir pour conduire une recherche sur le terrain ? Existe-t-il un curseur à déplacer selon les situations pour se présenter tantôt comme chercheur, tantôt comme praticien ? Je suis désormais convaincue de l’existence de ce curseur et de l’intérêt de le mobiliser pour conduire et servir la recherche.

 
"Bricoles de recherches : doit-on se raconter des histoires ?", Julien Aldhuy (UPEC), Hélène Dang Vu (UGE), Guillaume Lacroix (EUP-Lab'URBA).

 

Nous proposons une communication à trois voix qui portera sur les enjeux méthodologiques et épistémologiques des recherches « bricolées » grâce à des matériaux et formats hybrides et hétérogènes. Au travers de nos engagements dans la Chaire « Aménager le Grand Paris », nous faisons l’expérience depuis plusieurs années, d’activités variées (encadrement d’ateliers étudiants, participation à des séminaires acteurs-chercheurs, entretiens collectifs, rencontres informelles de partenaires professionnels…), inscrites dans des registres hybrides (production et valorisation scientifique, expertise, formation aux professionnels…) et qui produisent des informations et données hétérogènes.
Ces éléments de connaissance ne sont jamais pensés et programmés comme un tout, ni ne résultent de protocoles méthodologiques scientifiques robustes. Cette situation est certainement partagée par d’autres collègues enseignants-chercheurs en section 24 du fait de nos fréquentes interactions et sollicitations avec les milieux professionnels et leurs institutions. Dans quelle mesure est-il légitime - et à quelles conditions - d’utiliser ces matériaux et connaissances pour les réinvestir dans la production de connaissances plus strictement scientifique ? (articles, communications,etc.) Est-ce que ces formes de « bricolages » sont moins légitimes que celles opérées dans les recherches en section 24 en général ?